LES GENS QUI est un travail plastique autour de la relation, qui part toujours de mes photographies. J’en propose ensuite une traduction dans des textes, des dessins, des peintures, des sculptures et des gestes dans lesquels je range mes sujets dans une approche formelle.
LES GENS QUI est le titre de l’ensemble de ce travail. Il est écrit avec de grandes lettres en céramique installées sur le sol.
Chaque pièce décline la suite de ce début de phrase dans un énoncé conjugué au présent, permettant ainsi de catégoriser tout le monde dans des actions contemporaines.
À chaque visiteur, je propose le port d’un badge, poursuivant ainsi ce travail de relation jusqu’au lieu même de l’exposition.
Cette installation est tous publics et peut s’accompagner d’ateliers de créations collectives et de médiation participative.
Suite à l'annulation à la salle capitulaire Mably, l'exposition "LES GENS QUI" s'est transformée en "LES GENS QUI S'INSTALLENT", une exposition de peintures, dessins, sculptures, du 13 au 30 mars 2021, dans 28 vitrines* du quartier Saint-Paul de Bordeaux, des places Sainte-Colombe et Fernand Lafargue, enrichie d'un nouvel accrochage chaque samedi, chez N'A QU'1 ŒIL.
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> ! <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<
* UN IMMENSE MERCI à David Marcombe, Rousselle Immo Prestige, le B à coudre, monsieur Oz, Strictly, les Petits frères de pauvres, le Lion lilas, Gianna et moi, le théâtre des Salinières, l'Ascenseur végétal, Koven, le Saint-Christophe, Platine vintage, Puremix, Richy's, la galerie Ekko, le Santosha, Serendipity, Elise Martimort, le Coupe-chou, Un air de thé, les Garçons lunettiers, le Starfish, le Patio, l'Institut audioprothèse, Panache, Faina, Christophe Massé & Carine Tarin.
La photographie est une trace, une note, un attrape-mémoire
Chaque objet de ce travail est d'abord une ou plusieurs photographies.
Chaque photographie est d’abord un cadrage, un cut-up du réel. Et même si j’en comprends les mécanismes de fabrication, je reste encore à chaque fois complètement épatée par cette coupe dans le réel pour en faire une image qui existe au-delà de celui-ci. Ce geste demeure magique et enthousiasmant pour moi.
Depuis toujours, il m’arrive de suivre les gens pour capturer un regard, un contexte, le moment d’une relation unique. Alors je mitraille, je multiplie les cadrages. Et je poursuis jusqu’à ce qu’il s’assoie tout seul, dans les couleurs et la lumière. «Lieu commun» de l’usage photographique, mais justement lieu qui est commun. Le geste est bien à cet endroit, celui du commun dans chaque minute de notre espace social contemporain. Celui qui consiste à attraper une relation fugitive entre des personnes vivantes et un contexte actuel. En écrivant cela, je me rends compte à quel point la pratique de Denis Roche, avec qui j’ai eu le privilège de faire un atelier à l’école des Beaux-Arts de Bordeaux, a marqué ma pratique.
Le cadrage à la prise de vue est primordial. C’est ce qui va déterminer la suite de ma pratique. Quand je choisis de garder une photographie pour un dessin, une peinture ou une sculpture, je remets très rarement le cadrage en question. À vrai dire, je ne pense même pas à le modifier, c’est cette image-là, un point c’est tout.
La photographie ne suffit pas
La photographie va bien plus vite que le dessin.
Le dessin ne représente pas la photographie.
Le dessin va plus loin que la photographie.
J’ai beaucoup réfléchi à ce besoin de retraduire en dessin, en peinture ou en sculpture, l’image photographique. À pourquoi elle ne me suffit pas.
Cela me permet bien sûr de modeler autrement les photographies, de choisir ce que je garde, ce que j’ôte de l’image. Mais ce n’est pas tout. C’est bien autre chose. Je cherche toujours à décaler l’image, à pousser le sens. C’est un jeu de représentation.
En dessin ou à l’aquarelle par exemple, je travaille en gommant certaines parties des photographies.
En sculpture, je travaille en appliquant les caractéristiques de la représentation bidimensionelle de l’image au modelage de la terre, cela modifie radicalement l’apparence de la personne en agglomérant les différents plans de l’image dans un même volume et en collant des appendices de bouts du contexte sur le corps, créant ainsi des effets de masse.
Assumer ces gestes sur Photoshop ne me convient pas plastiquement. Le vide ainsi créé dans les images est trop fort pour moi, il n’appartient pas au même langage. Quand le vide est le blanc d’un dessin, il est le fond, le support de celui-ci, le vide, une trace du non geste. Ce n’est pas enlever de la matière, c’est choisir de ne pas en mettre.
Dessiner n’est pas refaire la photographie, dessiner, c’est prendre soin
Je m’impose une maîtrise technique de la facture, du détail, du soucis des proportions, de la recherche de quelque chose d’une vraisemblance et un résultat qui ressemble à la photographie et qui selon moi, la contient.
Dessiner, c’est prendre le temps, c’est réintégrer une durée à partir de la spontanéité de la photographie, un temps qui m’évoque souvent celui de la pratique de la broderie. Ce temps est aussi celui du plaisir de faire. Le temps du geste qui est celui de prendre soin des gens que l’on choisit de montrer.
« Prendre soin » est étymologiquement un geste de « commissariat », le geste de celui qui choisit ce qu’il montre et comment il le montre.
Voyager, photographier les gens, les ranger et voyager
Comment lit-on une image ? Que nous raconte une image ? À quel endroit sommes-nous quand nous regardons une image ? D’où regarde-t’on une image ? Où sommes-nous dans l’image ? Qui est dans l'image ?
Autres « lieux communs » : dans un monde où l’image est prédominante, où l’on photographie de plus en plus, etc. , ces questions essentielles prennent de nouveaux sens.
Que ce soit dans la publicité, dans les images politiques, dans celles que l’on affiche sur les réseaux sociaux, l’usage et le statut de la photographie mutent en permanence. Les responsabilités de ce que l’on montre et de comment on le montre m’intéressent profondément. « Publier » une image, la rendre publique, c’est la mettre dans les yeux, dans le regard, dans la réflexion des gens. Les gens, c’est nous et chacun de nous. C’est à chaque fois une seule personne et son monde intérieur. Chaque geste que nous faisons nous marque : attraper le regard, le sourire, le geste de quelqu’un dans une photographie n’est jamais anodin. Extraire quelqu’un d’une réalité et d’un temps, c’est choisir de se le garder pour toujours. L’exposer ensuite à d’autres personnes, rendre publique l’image de quelqu’un, c’est encore un autre geste.
Tout mon travail explore ces questions, de translation, d’extraction du réel, de traduction par le geste. Il repose sur un jeu de relation entre les différents temps de la relation. La relation entre celui qui est pris en photo, qui est dans l’image, celui qui fait l’image et celui qui regarde l’image.
©carolelataste 2022 - mentions légales